Notre dernier entretien remonte à trois ans exactement, à l’occasion de la réédition du magnifique « Cathédrale » qui fait encore régulièrement partie de mes play-lists favorites. Sortaient par la suite le coffret collector trois vinyls « K7 Tapes Archives » puis en 2008 un bon gros best-of. Ces deux sorties particulières auraient pu fermer définitivement les portes de l’Opéra, ou relancer la machine et la magie de la composition… La flamme était là, et nous voilà aujourd’hui avec un vrai nouvel album, le huitième, qui nous rassure quant aux capacités du quatuor à créer du neuf avec son originalité de toujours et ses instruments vintage.

  • Quelle (bonne) surprise d’apprendre la sortie d’un album flambant neuf ! Quels sont les premiers mots et premières sensations que tu as eus en découvrant le résultat final ?

Quand on réalise un album et qu’on en maîtrise la création et la réalisation d’un bout à l’autre, le recul nécessaire aux bilans ne peut s’obtenir dans l’immédiat. C’est plutôt quelques temps après que l’on perçoit, en tentant d’y prêter plus une oreille d’auditeur que d’acteur, quels sont les points positifs et éventuellement négatifs de ce qui s’est élaboré pendant plusieurs mois. Globalement, notre objectif, qui était de réaliser un album composé de titres nouveaux dans l’esprit de nos tout premiers enregistrements, est atteint…. Même si nous n’avons pas exactement retrouvé le minimalisme rigoureux qui habitait (sans doute par la force des choses) nos deux premiers vinyles réalisés à l’époque en huit pistes analogique, je pense que l’ambiance est là, tant au niveau son, qu’au niveau des mélodies, des arrangements, des textes et des bruitages utilisés… même si notre approche a sans doute été un peu plus raisonnée qu’à l’époque de nos débuts… Difficile en effet de se remettre dans une ambiance, « moyens du bord » avec les progrès techniques en matière de MAO réalisés au cours des trente dernières années !!! Ceci dit, seuls les fans hardcore d’OMS, qui ont eux une véritable approche extérieure, seront à même de dire si cette « résurrection » était une bonne idée ou non à l’écoute de ces douze nouveaux titres. En ce qui nous concerne, malgré quelques réticences de départ, genre : « Faut-il réveiller les vieux fantômes endormis ? » nous avons finalement eu beaucoup de plaisir à nous retrouver autour de ce projet et le résultat va au-delà de nos espérances initiales car ce n’était pas forcément gagné de retrouver après tant d’années la flamme, même atténuée de nos créations d’antan.

  • Vous avez été très productifs en actions nostalgiques ces trois dernières années, les archives K7 et le Best of vous ont-ils justement poussés à regarder vers l’avenir et à proposer du neuf ?

Si nous avons été productifs en sorties ces dernières années, cela n’est pas uniquement de notre fait mais d’une demande extérieure de la part de différents labels, sans doute eux-mêmes boostés par la vague de « nostalgisme » qui a permis de (re)découvrir pas mal de groupes français des eighties/nineties. L’idée de la compilation « Parachèvement de l’Esquisse » sortie il y a deux ans a été portée par Alex Twin, du label brésilien Wave Records, qui avait été assez ému par la réédition de notre premier album « Cathédrale » au format digifile avec le petit nœud de velours réalisée par un autre Alex, français celui-ci, label manager de Infrastition, qui a beaucoup œuvré ces dernières années pour la « sauvegarde du patrimoine » musical underground français et européens de la fin du XX° siècle … Cette compilation « Parachèvement… » devait être dans notre esprit, d’où son titre, la production ultime d’OMS au propre comme au figuré. Et nous avions fait, dans cet esprit de « clôture » qui allait finalement s’avérer provisoire, une sélection très réfléchie des trente titres qui la composaient.

Ensuite, nous avons dans la foulée été contactés par le label album VOD qui souhaitait ressortir au format vinyl une anthologie de titres sortis sur nos toutes premières K7 (OMS K7 Tapes Archives) à tirage limité. Nous avons fait en sorte que l’objet, un coffret luxueux comme nous n’en aurions jamais rêvé, ressemble dans son design à celui de nos deux premiers disques… Nous avons accepté ces différentes propositions dans un esprit de gestion/revalorisation de notre patrimoine musical. Il n’était alors aucunement pour nous question de nous reformer autour du concept Opéra Multi Steel et de nous remettre à l’ouvrage.

  • Quelles ont été les étapes de la création de ces 12 titres et comment le groupe a su sentir qu’il était temps de reprendre le bon vieux matos d’antan ?

L’idée de nous remettre à la composition sous la bannière OMS s’est instillée lentement, sous l’insistance et l’influence bienveillante de nombreuses personnes qui ont su finalement avoir raison de nos réticences morales et matérielles initiales : Alex Twin deWave Records, Alex Louis d’Infrastion, Jean-Christophe et Chloé deCollection d’Arnell-Andréa, Céline et Stan de Trinity, Pierre-Yves et Liesbeth deHide and Seek, entre autres…

J’ai d’abord élaboré des séquences rythmiques possibles tandis que Patrick écrivait ses textes…. La partie composition pure est intervenue ensuite au cours de laquelle furent mutualisées les idées des uns et des autres autour de bases musicales plus ou moins élaborées, lignes de synthé principalement… L’élaboration des 12 titres dans leur mouture définitive s’est effectuée sur une durée d’environ six mois à raison d’un ou deux week-end de « travail » par mois, ce qui est finalement assez peu et qui prouve que, passé le cap un peu difficile de la première séance, nous avons œuvré assez vite. Le plus difficile ayant finalement été de nous replonger dans une ambiance OMS alors que nous avions au cours des dernières années surtout développé collectivement l’entité « O Quam Tristis… » qui explorait des zones musicales plus électro-pop médiévalisantes et disons moins iconoclastes que ce que nous permettait de nouveau cette renaissance d’Opéra Multi Steel.

  • Justement concernant votre matériel, en relisant l’interview dans Twice 34, tu parlais entre autres du Casio VLT, du Roland TR 606 et 808 et également du synthé Elex en précisant « paix à son âme », a-t-il repris du service après intervention chirurgicale, ou bossez-vous avec les moyens beaucoup plus actuels que sont les logiciels de musiques et banques de sons inépuisables ?

Pour cet album, tous les sons de boîtes à rythmes, sont essentiellement ceux des Roland TR 606 et 808, mis à part quelques kicks ou caisses claires d’appoint que nous avons parfois ajoutés pour donner plus d’impacts sur quelques titres. Nous n’avons plus les machines d’origines. Nous avons bien entendu fait appel à des banques de sons. Les patterns ont donc été programmés à partir de logiciels finalement presque plus aisés d’emploi que les appareils d’époque, même si le charme n’est plus au rendez-vous.

Par contre, il nous a été impossible de nous procurer des samples satisfaisants pour remplacer notre vieux synthé Elex, qui date de la fin des 70’s et le Casio VL-1 dont nous avons toujours fait un usage immodéré au sein d’OMS.Il a donc fallu jouer du tournevis de précision et de la bombe contact et de déployer beaucoup de patience pour remettre à flot ces deux instruments qui avaient été remisés depuis longtemps dans un coin de notre grenier. Après quelques séances de bricolage qui ressemblaient plus à de la restauration d’antiquités, nous avons finalement réussi à remettre à flot ces deux «éléments fondateurs » du son OMS. Jouer directement sur ces « collectors » revêt un côté bien plus sentimental que de jouer leurs sons par l’intermédiaire d’un clavier midi lambda. … même s’il faut parfois secouer encore un peu l’Elex lors de crises passagères de faux-contacts.

  • Dans tous les cas, vos nouveaux titres sonnent comme s’ils avaient été pondus en 85, comme issus de sessions de l’album « Cathedrale », je pense par exemple à « Homélie Mélodique » petite sœur au tempo plus lent de « Frantz est mort ». Avez-vous pris le parti de reprendre le même état d’esprit de l’époque ?

Effectivement la partie de base de clavier de « Homélie Mélodique » est presque une citation de celle de « Frantz est mort ». D’ailleurs ce titre a bien failli pour cette raison ne pas figurer sur l’album car nous avions choisi de l’écarter à cause de ses trop grandes similitudes avec son aîné. Quand il s’est agi de trouver une mélodie et d’arranger ce titre, nous avons finalement pensé qu’en regard de ce que nous en avions fait, il eut été dommage qu’il ne figurât point sur le disque. Ce titre est devenu au fil de son élaboration, un hommage auJeu de Robin et Marion, d’Adam de la Halle, sorte d’ancêtre médiéval de l’opéra sentimentalo romantique que nous avons toujours adoré pour sa simplicité, sa naïveté de ton et de propos. Les paroles en vieux Français qui jalonnent le refrain tirent leur origine de cette œuvre du XIIIème siècle

  • Patrick n’a-t-il pas eu de difficulté à reprendre l’écriture depuis « Une Idylle en Péril » sorti en 2002 ?

En fait, même si nous n’avons plus enregistré d’albums depuis « Une Idylle en péril » en 2002, Patrick n’a jamais vraiment cessé d’écrire. Il note au fil des jours, des évènements et des rencontres, des phrases, des mots, qui lui viennent à l’esprit, qui peuvent être notés sur des feuilles de papier tout ce qu’il y a de plus traditionnelles mais également sur des bouts de nappes ou de serviettes en papier, des dos de prospectus ou de tickets de cinéma… Avant le travail d’écriture proprement dit se produit donc une phase de « tri » au cours de laquelle il réalise ses textes en confrontant parfois des phrases écrites en différents lieux et en différentes circonstances pour créer des textes qui font sens, soit au niveau du contenu, soit au niveau purement poétique et musical du terme. Pour ce disque, la somme de textes engrangés depuis « Une Idylle en péril » était énorme. Nous avons encore de quoi faire deux albums au moins avec toute la matière qu’il lui reste. Les textes de Patrick sont comme des puzzles de mots et de phrases, ou une idée qui semblerait à priori incompatible avec une autre s’enchaîne avec facilité…Ce qui n’empêche pas non plus que certains textes soient également écrits d’une traite et réarrangés dans leur forme pour s’adapter à la structure musicale d’un titre en particulier.

  • J’ai l’impression que sur l’ensemble de votre discographie, ce dernier album est le plus sombre de tous, très posé et lourd d’atmosphères cold-wave (sans doute la basse), et plus je l’écoute, moins le côté « bidouilles rigolotes » apparaît. On est vraiment dans l’ultra-dark me trompe-je ?

Je ne pense pas qu’OMS puisse jamais passer pour un groupe Dark et encore moins Ultra Dark même si cet album peut par certains côtés sembler plus sombres que ses prédécesseurs. Nous avons trop à l’esprit notre amour de la mélodie pop-folk et du rythme primesautiers pour avoir la prétention de rivaliser avec les chantres de la Darkitude. Les influences originelles d’OMS se trouvent plus du côté d’Orchestral Manœuvres in the Dark et Malicorne que des Sisters of Mercy, mais nous ne nous interdisons pas quelques intrusions dans des zones moins éclairées du spectre musical. Alors oui, peut-être Dark pour de l’OMS, mais pas vraiment Dark au sens général du terme. Mais encore une fois, nous ne sommes sans doute pas les mieux placés pour en juger…

Les bruitages que nous avons utilisés sur cet album font parfois encore référence à ces « bidouilles rigolotes » auxquelles tu fais référence. Elles sont une manière de dire certaines choses ou d’en préciser d’autres (Détention, Le Cachot), d’éclairer des propos qui ne sont parfois pas très lisibles ou au contraire de brouiller encore plus les cartes. On peut s’amuser à rechercher d’où viennent ces citations sonores…. J’ai vu récemment sur You tube l’extrait, retrouvé et commenté par un fan brésilien, d’un des épisodes du Prisonnier d’où nous avions tiré l’un de nos bruitages figurant sur lesDouleurs de l’Ennui

  • J’ai noté que le premier titre « Karma Sous Trame »ressemblait étrangement au terme « Kama-Sutra », vérité ou coïncidence ?

La question a été transmise à l’auteur lui-même qui a répondu ceci : « Pour ne pas avoir parlé d’une manière trop explicite et parce que je respecte la tradition de ce livre qui est un monument à lui seul, j’invite l’auditeur à s’approcher de cet ouvrage comme quelqu’un qui chercherait une philosophie pratique du quotidien dont le sexe ne serait pas le seul intérêt ! Et même au-delà de cette approche physique vers l’autre, la libération peut aussi s’obtenir par la contention, la rétention, bref le tantrisme. Le texte de cette chanson ne fait que résumer l’érotisme et son après, son au-delà, son ailleurs. Par la suite, l’illumination parvient avant la jouissance, pendant et après cette dernière. Alors, tous sur le pont et tout son corps en garde à vue… ! »

  • « Un Art Fatal » achève de façon magistrale cette œuvre, entre glace et repos éternel, que laisse-t-il présager pour la suite ?

« Un Art fatal » est effectivement un titre lourd et sombre qui conclut l’album sur une note plutôt méditative. Nous sommes ici dans une ambiance qui emprunte à la fois à Cure pour la partie de basse et à Enigma pour les vocalises cisterciennes qui le jalonnent ! Nous aimons bien concilier les a priori inconciliables car nous ne sommes pas faits d’un bloc. OMS nous permet d’exprimer nos apparentes contradictions, ambivalences et de les concrétiser sous forme de chansons. Il ne présage pas particulièrement d’un virage sombre pour l’éventuelle suite qui sera donnée à cette « Légende Dorée », il représente simplement une des nombreuses facettes de nos inspirations.

  • Vous avez toujours été très pointilleux quant aux visuels des disques, ceux de « La Légende Dorée » n’ont pas failli à la règle ! Et concernant le Box Limited Edition, à quoi pouvons-nous nous attendre ?

Les jaquettes d’OMS se font généralement le reflet de ce que nous aimons. Les arts picturaux ont toujours eu une grande importance à nos yeux et le visuel de nos différents disques est l’une des choses auxquelles nous attachons le plus d’importance. Pour « La Légende Dorée », nous avons utilisé des images sulpiciennes extraites de nos collections personnelles, empreintes à la fois de recueillement et de naïveté qui faisaient lien avec les citations distanciées au mysticisme et avec le titre de l’album qui fait référence à ce livre médiéval de Voragine qui narrait l’histoires des Saints et Martyrs chrétiens du calendrier. Saurons-nous jamais d’où nous vient cette fascination esthétique pour la vanité des croyances et leur cortège de merveilleux et d’horreur…

La Box limited auquel tu fais référence est en fait un sac noir frappé aux armes d’OMS et contenant un T-shirt, un poster, des pins, une carte postale dédicacée et l’édition double cd de l’album dans un digipack identique dans son visuel à la version standard du cd excepté l’ajout de quatre petite cartes illustrant chacun des remixes inclus sur le cd bonus.

  • Concernant l’édition limitée du digipack, est inclus un second CD de remixes des 4 premiers titres de l’album, comment, par qui et pourquoi ont-ils été réalisés ?

Alex Twin de Wave Records nous a prévenus relativement tard de son souhait de réaliser une édition limitée de l’album qui inclurait des remixes inédits. Nous n’avions plus assez de temps pour proposer à d’autres artistes d’en réaliser pour nous sans risquer de devoir reculer la sortie du disque pour cause de délais non tenus par certains des éventuels invités. Nous avons donc décidé de choisir chacun l’un des titres de l’album et de le réarranger à nos sauces respectives. Le hasard a voulu que, sans nous concerter, nous ayons choisi les quatre premiers titres de l’album. Ce ne sont pas à proprement parler des remixes mais plutôt des versions, des interprétations qui partent d’ailleurs dans des directions très différentes… expérimentales, folklorico-ethniques ou même plus dansantes pour certaines d’entre elles. Pour cette occasion, nous nous sommes cachés derrière de nouveaux pseudonymes, mais il ne sera pas très difficile à l’auditeur et au fan perspicace de trouver lequel d’entre nous se cache derrière chacun ces quatre titres revisités.

  • Ultime question ! Va-t-on enfin pouvoir vous voir sur scène ?

Pour l’instant il est prévu que nous jouions en Avril prochain au Brésil pour des concerts organisés par notre label à Sao Paulo. Nous allons nous mettre au travail sur une set list qui inclura principalement des titres du nouvel album et une sélection de morceaux extraits deCathédrale, de notre premier Maxi,d’Histoire de FranceetEternelle Tourmente.

Il serait effectivement intéressant que nous puissions nous produire dans un secteur géographique disons plus proche de notre pays d’origine ( !) mais cela n’est pas encore à l’ordre du jour…